• J'ai gagné!

    Bon, c'est sûr...on espère toujours un petit peu avoir la première place quand on participe à un concours. Mais après la raison prend le dessus : allons! Tu ne vas pas être la première! Tu n'as jamais écrit de ta vie! On ne peut pas dire que le français était ta matière de prédilection! Y'a surement des personnes qui écrivent mieux que toi!

     

    Mais je me suis quand même rendu à la remise des prix, histoire de pouvoir récupérer le livre où sont rassemblées toutes les nouvelles qui ont participé au concours...dont la mienne! MA nouvelle publiée dans un livre...je ne voulais pas louper ça!

     

    Et puis l'annonce des prix...on commence par les derniers évidement. 55 nouvelles en tout ont été reçues. Onze nouvelles en catégorie adulte, le reste en catégorie jeune.

    Onze nouvelles...ce n'est pas énorme...

    Mais arrivée en premier...c'est quand même vachement valorisant et ça fait sacrément plaisir!

     

    Alors, si ça vous intéresse, la voilà ma nouvelle : 

     

    Vol en plein jour

     

     

    Qui suis-je ? Je ne sais pas ! Qu’est-ce que je fais là ? Je ne sais pas non plus. Je vois cet homme tenir son arme braquée sur cette pauvre vieille qui n’est pas loin de la crise cardiaque tandis que le bijoutier s’empresse de réunir le butin convoité. Un nouveau-né pleure dans son landau. Une jeune femme est allongée à côté, baignant dans son sang. L’homme hurle des ordres qui n’ont ni queue ni tête : « dépêche-toi ! », « fais taire ce mioche ! », « bouge pas où je te butte ! ». Mais ces ordres ne s’adressent pas à moi. J’ai l’impression étrange qu’il ne me voit pas, je m’approche néanmoins du landau pour calmer l’enfant. Ses yeux…je reconnais ces yeux remplis de larmes. Je reste là, interdite devant ce nourrisson appelant à l’aide, pétrifiée à l’idée que je connais cet enfant et que je ne sais plus qui il est. Puis les ordres hurlés me reviennent aux oreilles, et je vois la petite vieille tituber sous le poids de la peur, s’avancer jusqu’au landau. Elle s’approche à pas lents, tend ses bras vers le nourrisson, le soulève et tente tant bien que mal de le calmer. Elle ne me prête aucune attention, comme si je n’existais pas. Je ne comprends pas. Que m’arrive-t-il ? Il semblerait que je sois transparente aux yeux des autres…Pourquoi ? Je réalise d’un seul coup que je suis plus grande que tout le monde et que mes pieds ne touchent plus le sol. Je suis en apesanteur au-dessus de la pièce. Je me sens aussi légère qu’une plume et durant un instant, cette douce sensation me fait oublier l’horreur de la scène dans laquelle je me trouve tandis que je remarque que ce qui se passe en-dessous de moi ne parait pas déranger l’araignée qui tisse tranquillement sa toile au plafond de la bijouterie.

     

    Puis tout s’accélère et la vie reprend son cours. L’homme récupère son butin et s’enfuit. Déjà, les sirènes hurlent au loin. Il entre en trombe dans une voiture et plus personne ne bouge dans la petite bijouterie. Quoi ? On ne va quand même pas le laisser s’enfuir ainsi ? Je ne prends pas le temps de réfléchir et m’élance aussitôt à sa poursuite. Je voudrais bondir, le rattraper, et lui dire ce que je pense de ses manières mais je reste un instant bouche bée. Je bouge, je me déplace et pourtant mes pieds ne touchent pas le sol, je sors du magasin sans avoir besoin d’ouvrir la porte, je sens l’air frais me caresser le visage sans faire un seul effort. Bon sang que se passe-t-il ? Je n’ai pas le temps pour toutes ces questions. Il faut arrêter ce type. Je me retrouve dans la rue et je vois la voiture s’éloigner rapidement alors que la police n’est toujours pas en vue. Il faut absolument que je sache où va se terrer cet homme pour le livrer à la justice. Ce n’est plus le moment de rêvasser, il faut foncer ! Sans plus attendre, je me mets à courir derrière la voiture. Non, c’est bête, je ne cours pas, c’est comme si…oui, c’est comme si je volais ! A l’image de mes rêves les plus fous ! Vous savez ? Ceux où on vole et d’un seul coup on chute telle une masse, on se réveille en sursaut trempé de sueur. Je m’attends à m’écraser au sol d’un moment à l’autre. Mais je ne dégringole pas. C’est complètement hallucinant ! Moi qui ne suis pas capable de rattraper mon bus sans souffler à m’en arracher les poumons, je me lance à la poursuite d’une voiture qui est bien loin de respecter les limitations de vitesse ! A croire que la colère envers ce type me donne des ailes. Je survole les obstacles avec une facilité déconcertante, planant au-dessus d’un pont, voltigeant entre les immeubles. Déjà de longues minutes que je poursuis cette voiture folle, et je continue, infatigable. Nous venons de traverser la place de l’église (son clocher ne m’avait jamais paru aussi petit !) et nous allons en direction de la mairie. Je ne veux pas l’arrêter. Je laisse ça aux professionnels. Je veux juste savoir où il va se réfugier pour le livrer à la police. J’entends les sirènes qui se rapprochent mais toujours aucune voiture de secours en vue. Que font-ils ? En plus des sirènes, un bruit strident arrive désormais à mes oreilles : BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP. Je regarde à gauche, à droite pour trouver l’origine de ce bruit. Cependant il m’est impossible de savoir d’où il vient. Voilà un mystère de plus dans cette étrange situation ! En attendant de comprendre ce qui se passe, je continue de voler vers cette voiture qui vient de traverser l’avenue Charles De Gaulle provoquant au passage quelques accrochages que je vois de-haut. La voiture file à présent droit vers le sud. Et toujours ce BIP insupportable.

    Je me rends compte que les sirènes des voitures de police ne sont plus qu’un lointain murmure. Je reste seule dans la course tandis que je me retrouve en dehors de la ville, sur une petite route de campagne. Le bolide file toujours tout droit. Je survole le paysage, imperturbable, je ne suis pas tombée comme dans mes rêves. Serai-je capable de voler ainsi indéfiniment ? Je commence à prendre goût à ce vent qui me fouette le visage, à cette sensation de liberté si grisante. Toute à mes pensées, j’ai failli louper le virage que l’homme prend pour s’engager dans un petit chemin de terre, soulevant au passage un nuage de poussière. Enfin, il ralentit avant de stopper complètement. Je m’arrête à mon tour et prend soin de me cacher derrière un arbre même s’il fait mine de ne pas faire attention à ma présence. Je réalise alors que je suis à trois mètres du sol, confortablement installée sur la branche d’un sapin. Une position parfaite pour observer ses faits et gestes sans être vue !

    L’homme sort de la voiture, il a toujours son revolver à la main. Ce n’est pas le moment de jouer au héro. De son autre main, il porte son sac rempli du butin qu’il vient tout juste de dérober. Il se dirige vers un petit portail au bout du chemin, derrière lequel on aperçoit une vieille ferme abandonnée. C’est donc là que tu comptes te cacher de la justice mon gaillard ? Et bien n’y compte pas ! Je m’en vais de ce pas prévenir les forces de l’ordre !

    Mais avant cela, il me faut descendre de mon perchoir…ou bien j’ouvre à nouveau mes ailes invisibles tel un oiseau mystérieux. Oui, c’est ça ! Je vole à nouveau comme un oiseau et cette sensation est si agréable que je ne voudrais qu’elle ne s’arrête jamais. Mon Dieu faites que mon rêve dure encore quelques instants, je veux continuer à planer au-dessus des arbres, au-dessus des gens, au-dessus de mes problèmes quotidiens. Par contre, mon Dieu, si vous pouviez faire quelque chose pour ce BIP qui met mes nerfs à rude épreuve depuis maintenant bien trop longtemps. Ce serait gentil de votre part !

     

    D’un seul coup, une douleur fulgurante me frappe à la poitrine. J’ai si mal, j’arrive à peine à respirer, j’étouffe, je vais perdre l’équilibre. Une force irrésistible m’attire dans le vide, je ne contrôle plus rien, ça y est, je vais tomber, c’est la fin du rêve. J’attends de me réveiller et de sentir le choc douloureux du sol : rien ! Aucune chute abominable ! Je me remets à voler à la différence que cette fois-ci je ne contrôle plus rien, je suis bien incapable de choisir la direction que je souhaite prendre. Je suis aspirée en arrière. Tout le chemin parcouru derrière la voiture de ce sale type défile sous mes yeux et j’ai mal…si mal !

    Les voitures de police sont restées coincées derrière les accrochages avenue Charles De Gaulle, la mairie passe sous mes yeux, le clocher de l’église…et cette douleur insupportable qui me vrille le cœur. Que m’arrive-t-il ?

    La rue de la bijouterie défile à toute allure sous mes yeux, le vent souffle dans mes cheveux. Les gyrophares clignotent de partout, des gens courent dans tous les sens. Qui est le responsable ? Il faut que je lui parle ! Il faut que je lui montre où s’est planqué l’homme. Il faut, il faut…mais j’ai si mal et cette force qui m’attire encore et toujours en arrière. La peur me prend aux tripes. J’aimerais arrêter cette douleur, arrêter cette incroyable force contre laquelle je lutte depuis qu’elle m’a fait quitter le repère de ce bandit !

    Ça y est, je suis à nouveau dans la bijouterie. La mamie est assise sur une chaise dans un coin, le bijoutier parle avec la police, un jeune infirmier en blouse blanche tient le nouveau-né apaisé dans ses bras et cette femme qui est toujours étendue au sol, baignant dans son sang. Toute une équipe médicale s’affaire autour d’elle tandis que cette force surhumaine me projette maintenant dans sa direction. Je voudrais ralentir, je vais gêner les pompiers, j’ai si mal…mais je suis attirée vers elle ! Ses yeux…je reconnais ses yeux…ce sont les mêmes que ceux du nouveau-né ! Je ne comprends pas. Je m’approche encore et toujours plus près. Je suis désormais juste au-dessus d’elle. Les pompiers ne semblent pas me voir. Je distingue un trou d’où sort abondamment du sang au niveau de la poitrine de cette femme…exactement là où je ressens ma propre douleur. Je m’approche encore d’elle. Je suis si près, j’ai si mal, j’ai peur. Nos visages se touchent. Un éclair éblouissant apparait soudain et le BIP strident qui me vrillait les oreilles change : BIP-BIP-BIP-BIP-BIP-BIP.

     

    Tous ces visages tournés vers moi, pourquoi ? Qui suis-je ? Je ne sais pas ! Qu’est-ce que je fais là ? Je ne sais pas non plus.

     

     


  • Commentaires

    1
    chocoreve
    Lundi 24 Juin 2019 à 18:04
    Félicitations et bravo ! J'ai beaucoup aimé cet haletant récit. C'est une discipline très difficile, il faut garder le rythme, maintenir le cap ! J'ai participé à un concours en son temps... hélas ma nouvelle n a pas été retenue.
    Bise ma chère et encore bravo
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    2
    Mardi 25 Juin 2019 à 09:06

    Alors la bravo. Tu m'as scotchée .
    J'ai lu ton récit d'une traite, tant il m'a captivé.

    J'ai lu quelque part qu'une nouvelle était plus difficile à écrire qu'un roman,
    tu t'en es bien sortie de cette difficulté.

    Mais on peut imaginer qu'il y aura une suite n'est-ce pas, et j'aimerai bien la connaître.
    Tu sembles bien capable à partir de cette nouvelle d'en faire un roman.

    Encore bravo, malgré ta vie de maman trépidante, tu es parvenue à mener à bien
    ton défi, et en plus tu as obtenu le premier prix. Chapeau bas.
    De quoi te donner des raisons de continuer sur cette voie et qui sait devenir un jour
    un écrivain reconnu... les rêves sont permis.

    Au fait quelle était la récompense ?

    Je t'embrasse
    Marie

      • Mardi 25 Juin 2019 à 09:38

        Contente que ma nouvelle t'ai plu! happy

        Comme récompense j'ai eu 45€ en chèque cadeau à dépenser dans les boutiques du coin!

        Quant à écrire un roman...oui, l'espoir fait vivre! Oui, ce serait un joli accomplissement et je ne dis pas que je le ferai jamais...mais j'en suis encore bien loin!

    3
    Mardi 25 Juin 2019 à 12:34

    Coucou Obou,
    Tu as touché plus qu'un lauréat du prix Goncourt qui ne touche que 10 € euros !!!
    Mais ce prix évidemment va lui permettre de vendre plusieurs libres et surtout
    de se faire connaître.

    J'imagine très bien une suite à cette nouvelle ; que devient la maman,
    va t'elle s'en sortir
    et qui sait, amener les policier à capturer ce scélérat, hi, hi, hi...

    Encore bravo.
    Marie

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